Pour lui de Peggy Silberling
La deuxième partie m’a un peu
réconciliée avec l’auteure, on y lit enfin l’amour et la bienveillance avec
parfois même de la compréhension tolérante mais surtout des questionnements. La
première partie du récit enferme son fils dans l’échec et la déchéance, la
seconde laisse libre et est pleine de compassion et d’attentes.
L’auteure est une femme de la
caste des privilégiées qui semble persuadé que « quand on veut, on
peut » faisant fi de la société telle qu’elle est. Si certains s’en
sortent c’est à priori et à condition que d’autres n’y arrive pas. La société
actuelle est construite de sorte qu’il y ait ceux du haut et ceux du bas. Si
nous pouvions tous être logés à la même enseigne, il y aurait bien moins de
convoitises... Il n’y a surement pas toujours d’explications déterminantes aux
ruptures et aux empêchements, il y a la vie et ces blessures face aux
rencontres et les ressources que l’on puise en nous.
Je reste dérangé par le récit
tel qu’il est présenté, qui titrerait presque de façon voyeuriste : Oyez
ce tabou, l’enfant violent face à son pauvre parent ! Je crois que c’est bien plus complexe que
cela. Evidemment la violence envers qui que ce soit est inacceptable et
intolérable mais être bientraitant ne veut pas dire laxiste et démissionnaire.
Il semble nécessaire dès l’enfance de toujours repositionner ses attentes, de confronter ses propres démons
pour limiter la passation générationnelle, et surtout, il apparait essentiel de
ne jamais figer ses enfants dans ce que l’on imagine d’eux, sous peine qu’il ne
puisse plus jamais être autrement. Pesons toujours nos mots pour ne pas
déchirer et abîmer davantage.
L’histoire de vie de Peggy
Silberling est bouleversante et le chemin parcouru est immense mais peut-on
dignement penser que, parce que nous y arrivons tout le monde peut s’en sortir
à force de volonté ? Et finalement qu’est-ce que s’en sortir ? Se
conformer ? S’affadir ? Se complaire ? Accepter ? Vivre
malgré ? Être bien né ? Avoir eu de la chance ? Être
heureux ?
Le récit a des qualités narratives
indéniables, une alternance construite comme une intrigue qui pousse à en
découvrir toujours davantage. Les passages sur l’enfance de l’auteur son
abominablement sublime. L’auteure passe au vitriol son entourage délétère, elle
est sans concessions dans sa description des autres mais les fêlures
transparaissent et on se demande si finalement cette hargne n’est pas une façon
de faire le deuil de son histoire ? D’acter une distanciation avec les
meurtrissures pour mieux rebondir ? Si finalement, le discours un peu
lisse de la femme sûre d’elle, n’est pas qu’une façade pour éviter
l’effondrement ?
Stock, 10 avril 2019
288 pages
Autour de cette lecture :
Deux films récents : My
beautiful Boys au désespoir ineffable et l’amour filial véritablement
transcendant par Felix Van Groeningen également auteur du déchirant Alabama Monroe.
Ben is back de Peter Hedges dont le traitement diffère mais
tout aussi poignant.
Les deux portés par des
castings talentueux.
Un autre récit: Papa est ce que je peux venir mourir à la maison?
de Tony Delsham
Pour la jeunesse : L’herbe
bleue d’un auteur anonyme récit ayant accompagné un grand nombres de
lecteurs à l’âge fragile où l’on peut basculer aisément.
Un peu de musique : Mano Solo, sa voix puissante et ses
morceaux déchirants parmi lesquels : Au creux de ton bras ; A quinze
ans du matin et bien d’autres.
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