Dehors le soleil brille d'Anthony Ray Hinton
Bienvenue dans le Sud des Etats
Unis, une nation se targuant d’être démocratique. Un pays ou malgré son abolition officielle, la
ségrégation est manifestement encore en vie. Un état ou la peine de mort agit
et tue encore chaque année. L’Alabama, ou depuis le rétablissement de la peine
de mort en 1976, 66 exécutions ont eu lieu.
Cette histoire est celle d’un
innocent condamné à mort par un système profondément raciste, puisant ces
racines pendant la période esclavagiste.
Un système judiciaire s’estimant être juste mais profondément inégal, que
ce soit au moment de l’enquête ou au moment de la condamnation. Une institution
qui même contre l’avis d’un jury, autorise un juge à prononcer la peine de
mort.
Ce témoignage d’un homme qui est
resté digne sans céder au désespoir est édifiant. Il faut avoir eu sacrément de
réassurance et d’amour dans la vie pour ne pas s’étioler et sombrer face au traitement
infâme de l’absurde.
Anthony Ray Hinton a vécu trente ans
dans le couloir de la mort, il a fait face à l’incompréhensible, vécu plus d’une
trentaine d’exécutions, senti la chair brûlée de ces codétenus. Parfois perdu espoir, mais a finalement toujours
trouvé les ressources de choisir la vie en dépit de la mort prochaine annoncée.
Cette angoisse permanente de la fin qui n’arrive finalement pas pour soi, mais
pour d’autres. Le pouvoir merveilleux de l’imaginaire et de l’humour lui a accordé
la résistance, et il en fallait pour vivre cet enfer et réussir à rester un
homme bon et altruiste.
L’accusation, le procès et toutes
les démarches y sont décortiqués. Au fur et à mesure du récit, le lecteur est
noyé avec lui sous la certitude que, le système évolue peu, que la résistance
au changement est encore pleine et entière. Malgré l’amoncellement de preuves
attestant l’innocence, l’acharnement avec lequel aucuns des protagonistes n’a
voulu reconnaître ses torts est ubuesque et profondément déprimante.
Ce récit est un véritable plaidoyer
contre la peine de mort. Une demande au peuple d’affronter le pardon. La
condamnation d’un système qui en plus d’être faillible, ordonne en réponse à la
mort, une nouvelle mort. La dignité humaine doit être reconsidérée, le pire de
nos actes ne peut pas être le destinataire d’un nouveau meurtre, même étatique.
Le couloir de la mort est un lieu cruel et absolument inhumain.
Plus généralement, c’est une réflexion
sur le système carcérale et ses limites qui est engagée. La prison noircie les pensées, coupable ou
innocent ce n’est pas un lieu de rédemption, c’est un lieu de châtiment ou se côtoie
la honte et la violence, ou en sortir indemne n’est pas une option. Un lieu où, pour survivre, il faut beaucoup lutter y
compris contre soi-même. Le passage sur la lecture comme action contre l’obscurantisme
et l’accession à la liberté est très beau et source d’inspiration.
Le récit n’est pas
particulièrement bien écrit, la rédemption et le propos y sont également très
religieux, ce qui n’est pas forcément en phase avec mes propres valeurs, mais
il est fort et bouleversant, il est à crier au monde. Nous ne pouvons pas vivre
sans compassion, cela ne peut qu’entrainer la destruction et la haine. La
vengeance n’apaisera la douleur que ponctuellement, elle masquera simplement
notre impossibilité à transformer la société et n’agira pas pour cofonder un
monde plus juste.
Je suis admirative face à cet
homme qui après avoir surmonté autant d’épreuves, réussi encore le tour de force,
d’insuffler un souffle de vie et d’espoir.
Editions Kero, 11 septembre 2019
396 pages
Traduction Hélène Zylberait
Autour de cette lecture :
Documentaire/essai : Je ne suis pas votre nègre de James Baldwin et pour le docu Raoul Peck (2017)
Film : Just Mercy de Destin Daniel Cretton (2019)
Une chanson :Strange Fruits de Billie Holiday
reprise magistralement par Nina Simone
Les récits autobiographiques/essais de Maya Angelou pour la vision fémini ne/ste
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