Mettre la hache de Pattie O'Green
Il
faut mettre la hache dans le doute parce qu’on pense que le fait de croire les
victimes, ça compromet notre belle justice, comme si on allait conséquemment
user de malice. Il faut faire preuve de considération et cesser cette
«culpabilisation par le soupçon» (Françoise d’Eaubonne). (...)
Il faut mettre la hache dans le doute parce que dénoncer l’inceste, ce n’est
pas une libération, ça ressemble plus à un enrôlement. C’est tout notre univers
qui revire à l’envers.(...)Il faut aussi mettre la hache dans la prudence,
cette fausse protection qui amortit. Elle enlève de la force comme de l’énergie
en confondant la responsabilité et la culpabilité. Il faudrait pouvoir
dénoncer, surtout si notre agresseur continue de violer, sans que la
dénonciation soit une accusation, sans qu’il faille se rendre au tribunal, où
on laisse trop souvent notre peau.(...) Il faut mettre la hache
dans la prudence parce qu’il ne revient pas à celles qui ont mangé les coups de
réfléchir aux contrecoups de leurs allégations. Ces femmes qui meurent d’envie
de se révéler et qui ne le font pas pour prévenir un danger.(...) Il faut
mettre la hache dans les préjugés parce que trop souvent on nous demande si on
ne l’a pas un peu cherché. De toute manière, on n’a rien dit, on n’a pas bougé,
on a accepté durant tant d’années. Comme si on avait pu déjouer celui qui nous
a tout appris, comme si on avait choisi d’être mal parties dans la vie.
Mettre
la hache entre toutes les mains
Qu’elles s’ouvrent de compréhension
Qu’elles s’ouvrent de compréhension
Qu’elles
entendent les cris des enfants vaincus
Qu’enfin,
soit
perçue l’agonie silencieuse des petites filles défigurées.
Non, ce ne sont pas toutes les petites filles qui sont à ce point aimés, mais il y en a beaucoup trop qui le sont!
Non, ce ne sont pas toutes les petites filles qui sont à ce point aimés, mais il y en a beaucoup trop qui le sont!
Quand on aura mis la hache dans le doute, dans la prudence,
dans la convenance et dans nos préjugés, quand on les aura tous brûlés sur le
bûcher, on pourra enfin regarder ce qu’il nous reste. Il faudra commencer à
construire un petit pont comme pour créer une meilleure connexion. Entre les
histoires de viol et nos corps. Entre la colère et l’action. Entre la détresse
et la tristesse. Ce sera un petit pont pour raviver l’inerte, un petit pont qui
nous lie par la vie, et par la chair aussi. Parce que l’inceste est dans la
chair, et cette chair, c’est l’autre chair du monde, celle à propos de laquelle
Merleau-Ponty n’a jamais écrit.
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