Betty de Tiffany McDaniel

 


"Devenir femme, c’est affronter le couteau. C’est apprendre à supporter le tranchant de la lame et les blessures. Apprendre à saigner. Et malgré les cicatrices, faire en sorte de rester belle et d’avoir les genoux assez solides pour passer la serpillière dans la cuisine tous les samedis. Ou bien on se perd, ou bien on se trouve. Ces vérités peuvent s’affronter à l’infini. Et qu’est-ce que l’infini, sinon un serment confus ? Un cercle brisé. Une portion de ciel fuchsia. Si l’on redescend sur terre, l’infini prend la forme d’une succession de collines ondoyantes. Un coin de campagne dans l’Ohio où tous les serpents dans les hautes herbes de la prairie savent comment les anges perdent leurs ailes. 

    Je me souviens de l’amour incandescent et de la dévotion autant que de la violence. Quand je ferme les yeux, je revois le trèfle vert-jaune qui poussait autour de notre grange au printemps, tandis que les chiens sauvages venaient à bout de notre patience et de notre tendresse. Les temps changent pour ne jamais revenir, alors nous donnons au temps un autre nom, un nom plus beau, pour qu’il nous soit plus facile d’en supporter le poids, à mesure qu’il passe et que nous continuons à nous rappeler d’où nous venons."

Incandescente, sensible et résiliente, Betty enfouit les ténèbres familiales au pied des arbres, comme une offrande à l’expiation et l’oubli. Par petites touches dégustatives, ce roman ravive l’imaginaire et baume les plaies de l’humanité.

C’est un chant initiatique vers le deuil. Des prières silencieuses et incantatoires pour transfigurer la réalité plus sordide et affadissante. Betty est une guerrière, une survivante, une combattante, elle donne voix aux morts avec acuité et pudeur.

A travers sa famille, elle témoigne d’une réalité sociétale dans l’Amérique des années 50 avec une grande force . Un roman au lyrisme presque magique, aux  propos universels. Une fresque familiale impressionnante de maitrise et de luminosité. La figure du père, fier et aimant, construisant des mythes pour adoucir les peines en  tissant autour de ses enfants la joie, est douce et enveloppante.

Un grand roman.

Gallmeister, le 20 août 2020, 720 pages


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