A crier dans les ruines d'Alexandra Koszelyk



Tu vois, c’est ce qu’on appelle la fente de timidité. Les arbres ne se touchent pas. Ils se regardent de loin, mais ils gardent leur distance. Ce n’est pas de la méfiance, mais du respect. La nature sait ce qui doit être. Les feuilles ne s’étouffent pas entre elles, tout le monde à sa place, de façon harmonieuse. Ni domination ni soumission. La nature enseigne tout à celui qui la regarde vraiment.

Ce livre a comme un parfum d’enfance. Petite, j’ai lu et relu Le nuage de Gudrun Pausewang, je lui ai inventé des suites, j’ai vibré avec ses personnages. En substance, il raconte Tchernobyl avec des yeux d’enfant sans détail technique particulier,  mais il dit la fuite, la suite maladive. Cette histoire s’est inscrite et pérennisée en moi. Son souvenir est vivace et doux.

Tout ce qui est solide se dissous dans l’air de Darragh McKeon n’avait pas réussi à surpasser cette cristallisation d’enfance,  La série, Chernobyl, elle, a mit des mots concret sur la catastrophe avec une grande force. J’attendais beaucoup d’A crier dans les ruines, peut-être parce que j’en ai beaucoup entendu parler. Je l’ai lu de long mois après sa sortie et il n’a pas été complètement à la hauteur de mes espérances. Mais est-ce seulement possible de détrôner le souvenir d’un de mes romans d’enfance préférés ? La compétition n’est surement pas équitable.

Chaque lecture vient après d’autres et nous touchera plus en fonction de celle que l’on a lu avant et celle d’après. J’ai commencé A crier dans les ruines d'Alexandra Koszelyk dès que je l’ai eu entre les mains, sans y réfléchir particulièrement. Plus que de la catastrophe réellement, il traite de l’exil et du rapport lointain a une patrie que l’on a dû abandonner, parfois contre son gré. J’ai trouvé ce roman paradoxal. A la fois plutôt académique avec beaucoup de retenu. La maîtrise de la langue est visible mais il y a comme une impression de rangement efficace et organisé. Un manque de lâcher prise sur la forme peut-être ?
Le fond en revanche, m'a semblé étrangement romantique, presque affecté, contrastant avec la maîtrise du texte. J’ai trouvé la fin presque surréaliste, elle m’a laissé un petit gout d’absurde,  l’instinct de survie n’est jamais en berne. C’est comme si  tous les codes étaient mis à l’échafaud paradoxalement à la rigueur d’écriture.

J’ai aimé la relation de la petite fille à sa grand-mère, j’aurais aimé qu’elle soit plus fouillée,  plus viscérale.  Il m’a manqué une psychologie fine des personnages pour m’y attacher vraiment et entrer en empathie avec eux. Tout est  suggéré, même les colères, les  animosités, les incompréhensions restent contenues.  Seule  la romance,  au quelle  je ne suis pas sensible du tout, et ce dans n’importe quel roman, est fougueuse.

J’ai aimé ce roman élégant à la couverture époustouflante, mais il m’a manqué l’intime pour l’apprécier encore plus.

Aux Forges de Vulcain, le 23 août 2019
254 pages

Autour de cette lecture

Un essai: La supplication : Tchernobyl, chronique du monde après l'apocalypse de Svetlana Alexievitch (tous ces essais sont par ailleurs à découvrir)
Une mini- série : Chernobyl de Craig Mazin
Un roman jeunesse : Le nuage de Gudrun Pausewang
Un album jeunesse : Dans la forêt rouge de Chelsea Mortenson et Jen Rice Edition la Ville Brûle https://www.lavillebrule.com/ (l'un de mes éditeurs chouchous pour enfants! )






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