Glory d'Elizabeth Wetmore



Glory était Gloria jusqu’au jour où elle est dépossédée de son identité par un homme qui estime avoir le droit de prendre ce qui ne lui appartient pas. Avec violence et sadisme, il lui arrache son innocence, son corps et bien plus encore.  Glory est une adolescente Mexicaine de quatorze qui aurait dû mourir après avoir été violée. Elle trouvera la force de se hisser jusqu’à Mary Rose Whitehead qui la sauvera. Ensuite se sont les voix de toute une ville que l’on entend dans ce roman choral ou l’humanité des uns répond à la violence des autres. Le fonctionnement humain y est décrypté avec minutie. Les personnages sont fouillés et décortiqués dans toute leur ambivalence, empêtrés dans ce qu’on leur impose, leurs besoins, leurs envies et la noyade que cela suppose parfois de s’opposer. On ressent le poisseux, la misère, du lieu, des possibles, de ses habitants désœuvrés et sans potentielle évasion.

La dénonciation du puritanisme Américaine est éblouissante de désespoir. Nos sociétés dites moderne et civilisées en sont encore là de violence, de racisme, de sexisme. La  peur de l’autre guide les hommes a toujours plus de replis et de rejets.  Nous sommes au Texas en 1976 mais nous pourrions être en 2020 tant le recul des droits acquis est prégnant, tant l’acquisition de droits fondamentaux peine à convaincre l’opinion dans les endroits les plus reculés des Etats Unis (et ailleurs). Le conservatisme est toujours aussi revendiqué, les minorités souvent vilipendés.
Nous évoluons dans des sociétés patriarcales ou les constructions identitaires peinent à se déconstruire que ce soit chez les hommes comme les femmes. Une adolescente violée qui plus est si elle est issue de l’immigration a surement du mériter ce qu’il lui arrive. L’idée si forte du viol qui n’arrive qu’à celles qui l’ont cherché est si révoltante qu’il semble toujours nécessaire de la dénoncer encore.  L’omnipotence d’une justice à deux vitesses ou les plus influents gagneront toujours est accablante.

Ce premier roman qui aborde un sujet complexe et tortueux est convainquant de justesse. Il dénonce sans fard l’absurdité des hommes prêt à sauver leurs femmes et leurs enfants mais pas celui des autres. Ne regardons surtout pas la misère, œuvrons pour nous, même la charité doit être lointaine.   

Heureusement certains font ce qui est juste. Ce qui est juste face à la désapprobation générale voir les menaces. Faire ce qui est juste malgré le délitement que cela provoque pour soi. Faire ce qui est viscéralement juste pour rester vivant et bon. Peu d’humains dans nos sociétés individualistes sont capables de faire ce qui est juste, sans calculs, sans remords, en pleine conscience, malgré ce que cela suppose de sacrifices. Ce courage-là restaure un peu de douceur et de lumière face aux méandres de l’indignité ordinaire. Une réflexion pour l’élévation des mentalités.

Les Escales, le 27 août 2020
Traduction par Emmanuelle Aronson
320 pages

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