Bénie soit Sixtine de Maylis Adhémar
Sibylle se lève, tend des feuilles dactylographiées
aux onze autres. C’est un argumentaire, explique-t-elle, pour défendre la
chasteté et la pureté dans le monde apostat. Sibylle se penche sur le texte et
énumère :
— Un,
la pureté est la condition du Salut.
« Deux,
la chasteté et la modestie permettent de cultiver une vie intérieure profonde.
« Trois,
les femmes légères qui oublient ces principes troublent les hommes
volontairement et deviennent la cause du péché.
« Quatre,
l’acte sexuel a été voulu par Dieu uniquement pour enfanter.
« Cinq,
la société apostate nous fait croire que l’acte sexuel est une source de
plaisir pour les femmes délurées qui le pratiquent : le plaisir sexuel
féminin est une invention, imaginée pour faire sombrer les femmes dans le
péché. Les femmes ne peuvent tirer de la sexualité un plaisir au sens charnel
du terme.
« Six,
la recherche du plaisir par l’homme pousse à tomber dans l’égoïsme.
« Sept,
la femme et l’homme doivent respecter la chasteté aussi dans le mariage.
« Huit,
la femme mariée doit entendre les besoins naturels de son mari.
« Neuf,
la luxure apporte la tristesse et le désespoir.
« Dix,
résister au vice est une victoire devant Dieu.
Bénie soit Sixtine
est vif et acerbe. Il rapporte une vie d’injonction aux corps, à l’esprit, aux valeurs,
à l’envie. C’est un état des lieux des milieux traditionnalistes à dérives
sectaires minutieusement décortiqué. Les mots sont soigneusement choisis jusque
dans les noms de chapitres. L’ensemble est captivant et particulièrement bien documenté
(il semble que l’autrice évoque le milieu dans lequel elle a grandi). On suit
avec grand intérêt l’émancipation et les contradictions qui opposent Sixtine aux
choix qu’elle fait tout en peinant à s’autoriser à être elle-même au-delà de ce
cadre. C’est cinglant interpellant et très engageant à lire !
Julliard, le 20 août 2020,
304 pages
Autour de cette lecture : Un roman : J’ai retrouvé cette question de la difficulté à conserver sa foi tout en étant soi dans La petite dernière de Fatima Daas que je conseille pour l’exercice de style et le propos tout aussi essentiel.
Un document jeunesse : Cité Babel de Pascale Hédelin illustré
par Gaëlle Huhaze permet de se familiariser avec les trois grandes religions
monothéistes, au rythme des saisons, des
fêtes, rites et traditions. Une belle façon d’aborder les différences, la
tolérance et la pratique religieuse loin des extrêmes, chou gras régulier des
médias. La lutte contre l’obscurantisme commence il me semble dans la
compréhension et l’approche d’autres monde que le sien. Peut se compléter par les
religions expliquées à ma fille de Roger-Pol Droit qui permet à l’adulte de
lire avant sur le sujet. Un petit essai simple, court et efficace.
Un film : Les éblouis de Sarah
Suco, sortie en 2019 qui très subtilement décrit l’enfance de la réalisatrice
dans une communauté religieuse a dérive sectaire.
Une série : Unorthodox d’Anna Winger qui ici
évoque la vie et l’émancipation d’une jeune femme dans une communauté juive ultra-orthodoxe.
Dans La petite dernière
comme Les éblouis ou Unorthodox, les femmes malgré la
conservation de la foi tentent d’échapper au contrôle et à la soumission,
signature quasi incontournable de l’extrémisme religieux.
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