Calendrier de l'avent livresque 2020
Une nouvelle année de calendrier de l'avent littéraire. Une idée que je trouve particulièrement revigorante. Replonger dans ses lectures, choisir celles que l'on veut visibles et partager. Offrir des mots, des citations, des idées, des pensées. Plaisir immense d'une activité solitaire à potentiel collectif.
Jour 1: Ma première lecture de l’année
Je transporte des explosifs on les appelle des mots aux Editions Cambourakis dans la collection Sorcières. Un cadeau de Noel 2019 qui m’a suivi toute l’année. Je le déguste régulièrement.
Il s’agit d’un recueil bilingue de poétesses féministes :
militantes/activistes/ théoricienne/ aux Etats-Unis des années 70/80 à nos
jours avec en prélude un essai brillant de la poétesse Jan Clausen.
Irena Klepkisz
Zi shemt zikh/ Elle a honte
Elle a oublié
Alts fargesn
Tout oublié
A
qui puis-je parler ?
se demande-t-elle.
di mame la mère
der tate le
père
di bobe la
grand-mère
der zeyde le grand père
di oves les ancêtres
alts fargesn
tout oublié
digantse mishpokhe
la famille entière
dos folk
les gens
Mit vemen
Ken ikh redn ?
A qui puis-je parler ?
Di meysim farshteyen
Mir afile nit
même
les fantômes
ne
me comprennent pas.
Jour 2: Le livre que j’attendais
Deux titres pour ce soir : Chavirer de Lola Lafon. Parce que depuis que je l’ai découverte avec Une fièvre impossible à négocier, une tendresse particulière m’attache à cette autrice et a son leimotiv (savoir comment vivre avec ce qu’ils ont fait). Pas forcément de sublimes coups de cœurs mais chaque fois je suis attendrie. Les sujets, cette distanciation qui dit sans juger. L’engagement toujours. Celui-ci a un souffle supplémentaire et je suis ravie qu’il ait trouvé public et engouement. Il est toujours bon d’entendre des femmes qui s’expriment sur les violences faites aux femmes !
Jour 3 : Un auteur découvert cette année
J’en
ai découvert tellement que je déborde, ma pile d’envie et de possession s’agrandit
presque chaque jour. Ça bouillonne, ça bouillonne et il me faudrait du
temps, tellement de temps.
Donc ce jour je vais encore tricher. Je vais partir d’Audre Lorde que je n’ai pas véritablement découvert cette année mais que j’ai lu cette année, les traductions n’étant pas simple à trouver. Cette année j’ai donc lu Sister Outsider, trouvable en français aux éditions Mamamelis. Un recueil d’essais, d’articles, écrit entre 1976 et 1983 qui me faisait de l’œil depuis un moment et qui évoque la poésie, l’érotisme, le racisme, le sexisme, l’homophobie. Concis, dense, intense.
Avec cette lecture
il me semblait nécessaire d’évoquer deux poétesses en langue française et dont la création est tissé autour de l’Afroféminisme, le féminisme décoloniale
qui commence à émerger en littérature francophone, mais qui est encore si peu
visible. A nos humanités révoltés de Kiyémis (réédité depuis peu aux éditions Premiers
Matins de Novembre) évoque les voix tues, qui ne trouve pas leur place dans ces
pays qui sont les leurs mais qui les considèrent comme d’ailleurs. Kiyémis a un blog également que je vous invite
à consulter. Et puis il y a Lisette Lombé et son recueil Brûler, Brûler, Brûler
aux éditions de l’Iconoclaste (Iconopop) que j’ai reçu en guise de calendrier
de l’avent numéro 1 (oui il est sympa mon calendrier) et qui criait pour s’adjoindre
au deux autres.
3 livres aux mots levés pour la reconnaissance et le rééquilibre des injustices.
« Je suis ensevelie
Emmurée dans le silence et l’oublie
Dans les dédales d’une mémoire,
Muette
Je suis une douleur,
Affligeante, intrigante, malheureuse
Je suis une violence mal racontée,
Tue
(…) »
Extrait de Souvenir d’une catastrophe de Kiyémis
«(…) Et c’est le même système qui te demande d’être violée sans faire de vagues, le même système qui te demande de te serrer la ceinture sans faire tout un ramdam autour de ta précarité, le même système qui te demande de gerber, de vieillir, de crever sans salir la moquette, le même système qui te débaptise un tunnel Léopold II par-ci et rebaptise une place Lumumba par-là pour que tu fermes un peu ta gueule et c’est le même système qui s’accommode parfaitement des centres fermés, des jungles, des bidonvilles sous le périph et des enfants qui grelottent dans la boue et des hommes nus à ses frontières. (…)»
Lisette LombéJour 4 : Un livre lu sur
les conseils de mon libraire
C’était un conseil
initialement pour offrir mais lorsque nous les avons lus ma fille les as tout
de suite adopté et nous aussi. La série des P’tites poules de Christian Jolibois
et Christian Heinrich nous régale de subtilité et d’humour. A partir de 4 ans environ
mais ils pourront être lu encore bien longtemps pour en saisir toutes les
nuances et les références. C’est fin, on se régale à les relire et les
déclamer. Parfois, à trop vouloir
chercher, on passe à côté de classique ! Ma fille aura pour Noël le
quatrième album collector. Les collectors sont parfaits pour offrir. Et les formats
sont adaptés pour la lecture en autonomie lorsqu’ils sont près.
Jour 5: Le livre dont l’écriture m’a éblouie
Ah les écritures qui éblouissent, qui s’enfouissent, qui
prolongent le recueillement méditatif, qui allonge le plaisir, qui joue avec la
langue pour s’inscrire en nous.
J’en trouve dans les romans
parfois, j’en trouve en poésie évidemment.
Il y a une prose qui depuis toujours me chavire et que j’associe souvent à celle que j’imagine comme son pendant photographique. Alejandra Pizarnik/ Francesca Woodman. Deux destins tragiques, deux choix d’abandons, deux pouvoir de création sublime qui me bouscule, me bouleverse, m’emporte avec elles au creux de leurs âmes torturées. (Si Actes Sud pouvais m’entendre, veuillez rééditer les Œuvres poétiques svp). Ne nous y trompons pas j’aime les recueils d’Ypfilon.éditeur, je soutiens les petites maisons d’éditions mais pour posséder l’intégralité il faut un budget conséquent. Pour Francesca Woodman j’ai résolu l’attente en me procurant très vite le livre de l’exposition ayant eu lieu il y a quelques années mais j’ai laissé filer Alejandra quand j’aurais pu me le procurer. En début d’année dernière j’ai eu en cadeau l’un des recueils d’Ypfilon et comme toute la poésie de cette poétesse j’y revient régulièrement. L’écriture d’Alejandra Pizarnik comme les photos de Francesca Woodman me fascine, me questionne certainement car je ne peux pas inscrire de mots aussi fort que ce que je ressens en les lisant et les observant.
Temps
Je ne sais de l’enfance
qu’une peur lumineuse
et une main qui m’entraine
vers mon autre rive.
Mon enfance et son parfum
d’oiseau carressé. »
Alejandra Pizarnik/ Les aventures perdues
Jour 6: Mon plus gros flop
L’anomalie d'Hervé Le Tellier ne m’a absolument pas convaincu. Je suis restée hermétique au divertissement comme à l’écriture. Il se lit facilement, il se dévore même pour certain, il semble même qu’il peut être un moment de lecture jubilatoire. Il a été sacré par le Goncourt, c’est donc a priori un roman qui plaira à une bonne majorité. Pour ma part en plus de ne rien me laisser en partant, il ne m’a pas vraiment procuré de plaisir particulier sur le moment. Il faut de la littérature pour tous et pour accompagner chaque moment ! Sans regret, il sera pour moi très vite oublié.
Jour 7 : la plus belle couverture
Deux livres sont apparus pour l’évocation de cette catégorie mais je savais que Le silence d'Isra d'Etaf Rum allait déjà faire parler de lui chez mes camarades participants au défi, il en vaut d’ailleurs la peine. Outre les couvertures toujours splendides des éditions de l’Observatoire les titres de leurs catalogues sont habités, les sujets forts et ils me plaisent en général beaucoup.
Mais j’avais aussi envie d’évoquer ce deuxième ouvrage qui m’a fait beaucoup de bien. Les orageuses de Marcia Burnier aux éditions Cambourakis (collection Sorcières) à une couverture qui tape l’œil, étrange et éloquente, elle s’est emparée de moi dès que je l’ai vu. Outre le sujet et son traitement que je trouve parfait de simplicité pour dire la complexité, cette couverture est un régal pour les yeux. L’évocation de la sororité pour combler les failles. Un thème qui consolide. Être plusieurs pour faire front plus unanimement.
Jour8 : le livre que je n’aurais pas lu si
Alors là aussi il y en a un paquet. Si je n’avais pas lu
tels livres auparavant, si je n’en avais pas entendu parler sur les réseaux, les
blogs au DU, etc… L’autre est une mine remplisseuse de PAL, alléchant il attire
pour dépenser ! L’autre c’est un peu le mal incarné en Père Noel ! Que
de convoitises, d’achats compulsifs, de cerveau fébrile !
Si je n’avais pas revu passer un des poèmes de Rupi Kaur
sur les réseaux je n’aurais pas été acheté Lait et Miel (j’ai été raisonnable
et ai mis les autres sur ma liste de cadeaux).
J’avais déjà noté le nom de la poétesse sans m’y attarder
vraiment, en me disant qu’elle attendrait le jour où j’aurais l’occasion de
feuilleter ses recueils.
Lait et miel donc qui existe en poche est un régal pour les yeux. Une artiste complète qui illustre ces recueils. Je ne sais pas comment je suis passé à côté de cette poétesse clairement féministe. Ces partages sont une des raisons de conserver un compte F . Même si je perds un temps fou sur les réseaux sociaux (temps que je pourrais évidemment employer autrement) j’y reste car j’y fait de très belles découvertes/redécouverte ! Je me nourris de l’art, des idées, des inspirations, des envies que je reçois en ligne et ça a quand même sacrément du bon.
Tu avais si peur
de ma voix
j’ai décidé
d’en avoir peur aussi
Jour 9: mon plus gros pavé
L’art de la joie de Goliarda Sapienza et quel roman !
Une ode à la liberté ! Modesta et son âme combattante sont énergisants. Un livre grisant.
Je le possédais mais n’y avais pas encore mis les yeux et
j’ai écouté Adelaïde Bon en parler (sur le Book Club de Louie Média). Le lendemain
je le commençais ! Sans regret ! Un pavé avec une plume addictive,
simple et chantante !
Jour 10: Le livre qui m’a mis des étoiles dans les yeux
Betty de Tiffany McDaniel qui malgré la rudesse des sujets dégage une grande luminosité.
Jour 12: le livre le plus dépaysant Amour minuscule de Teresa Radice et Stephano Turconi qui a travers l’absence nous fait voyager en Argentine et en Syrie tout en existant en Italie.
Jour 13: un prix littéraire lu cette année
Le cout de la vie de Deborah Levy qui vient de recevoir le prix Fémina étranger 2020. Il forme un diptyque autobiographique avec Ce que je ne veux pas savoir sorti au même moment au éditions du Sous-Sol. L’un évoque le retour sur l’enfance, la perte et l’exil, l’autre s’ancre dans le présent et le désir de vivre libre, même avec embuche. Le besoin impérieux de se réaliser pour s’élever. Une écriture concise et sensible. Une réflexion subtile autour de l’écriture, du féminin et de l’émancipation.
Jour 14: le livre que tout le monde aime sauf moi
Je ne m’autorise jamais à dire
que je suis seule à ne pas avoir un
livre que tout le monde a aimé. Il y a bien évidemment d’autres personnes qui
aimeront ce que j’ai aimé et inversement. Il est juste que les forts soient frappés de Thibault Bérard est un livre qui a été relativement plébiscité à sa sortie. J’ai lu beaucoup d’engouement
mais il reste pour moi un souvenir presque douloureux de lecture même si je ne
dénie absolument pas ces qualités. C’est un roman d’inspiration
autobiographique qui m’a beaucoup animé voire carrément disons-le, mise en
colère mais peut être est le but de la littérature que de donner vie ? Je
me suis bien trop identifiée à Sarah et j’ai trouvé la démarche de l’auteur
crispante de dédouanement même si j’imagine bien sa peine.
Après plusieurs mois il reste
vif dans mon esprit et si je suis plus apaisée à son sujet je reste quand même
septique du fond. Dans tous les cas il me semble que c’est un ouvrage qui ne
laisse pas indifférent.
Jour 18 : le livre le plus drôle
La série Manuel d’éducation Punk est vraiment drôle.
Un condensé d’humour noir porté par des illustrations vintages et pastelles contrastant totalement avec les propos. Je ris rarement devant des films et
encore moins en lisant mais la j’ai ris et j’ai même ris fort ! Des
manuels décapants !
Jour 23: Le livre Joker
Bien des ouvrages me viennent en tete mais j'ai envie de finir l'année sur du doux et Appollo de Mélanie Richoz illustré par Kotimi est de ces livres cocon dans lequel on peut se lover. Que devenons nous lors de la mise au monde d'un autre être? De quoi est on dépossèdes et quel cadeau nous ai fait?
Jour
24 : Un livre pour finir en beauté
Une chambre à soi, classique incontournable de la littérature féministe que j’ai mis très longtemps à lire. Je le possédais dans une autre traduction qui ne m’avait pas accroché et puis ce n’était jamais moment, je ne m'y penchais pas. Après avoir écouté sur les chemins de la philosophie Geneviève Brissac et AdèleVan Reeth en parler je me suis lancée avec une nouvelle traduction (10/18) et j'en suis ravie.
Je
vous souhaite à tous de très belles fêtes et une chambre à vous.
Les-chemins-de-la-philosophie/virginia-woolf-une-chambre-a-soi
Commentaires
Enregistrer un commentaire